Interview : Dj Reverend P
Alors qu’il reçoit ce samedi Danny Krivit pour une soirée Motown Party en hommage à Larry Levan et au Paradise Garage, Dj Reverend P réponds à quelques unes de nos questions.
Samedi 7 février, tu va rendre hommage à Larry Levan et au mythique club Paradise Garage, peux-tu nous expliquer en quoi il a été une influence pour toi ?
Le Paradise Garage a ouvert en 1977 et a définitivement fermé en 1987.
Je n’ai donc jamais eu l’occasion d’y danser. Ce que j’en connais, ce qui m’a influencé, c’est la légende, les témoignages, les 1000 classics. www.jahsonic.com/Coqui.html
Quand j’étais tout gosse ma mère avait le 45t sur West End, « Hot Shot » de Karen Young, et des k7 que lui refilait la femme d’un des dj des bains douches, je les adorais mais j’ignorais toute l’histoire.
Donc ma mère était fan de disco. Les années passent et la disco disparaît du paysage musical, mais la Soulful House fait une entrée tonitruante dans le paysage parisien avec la Cheers de Greg Gauthier et Sven Love.
Moi j’étais dingue de Motown, j’avais déjà pas mal de références communes, mais toute la scène Soulful House new-yorkaise se réclamait de l’héritage de Larry Levan et du Paradise Garage.
Pour les new-yorkais c’était énorme, ils nous en parlaient systématiquement.
Petit à petit je me suis mis à acheter tous les disques où était inscrit Larry Levan Mix ou Tom Moulton Mix.
Finalement c’est un retour aux sources.
Mais l’influence de Larry Levan ne se résume pas à la musique… On pourrait en parler des heures, le sound system, l’esprit du club, la naissance de la house…
La libération face à l’homophobie générale, et la victoire de la musique sur les préjugés. Tout le monde voulait entrer au Paradise Garage, les plus grandes stars y ont dansé ou performé. Keith Haring l’a décoré. Toute la club culture est issue de la communauté gay new-yorkaise de ces années-là.
Pour se faire tu seras accompagné d’un DJ lui aussi mythique, Danny Krivit, je crois savoir que lui aussi est une influence pour toi…
Danny était très proche de Larry, il a même une bonne partie de sa collection. Lui aussi est une légende. Des Body&Soul avec Joe Claussel et François K aux 718 Sessions et tout autour du monde, avec Danny Krivit c’est New York, et c’est toujours une expérience à part. Il y a de la magie et de l’amour presque palpable entre les danseurs, des sourires sur tous les visages. Je suis comme un enfant à l’idée de jouer avec lui à nouveau.
www.dannykrivit.net
Comment s’est passé ta première rencontre avec lui ?
C’était il y a une douzaine d’années J’étais à New York pour un gig avec Fudge, le lendemain on avait été à 718 Sessions au Club Deep. La soirée était inoubliable, et on avait été le remercier. Il adorait les tracks de Fudge, Danny est toujours très souriant, il nous a mis à l’aise tout de suite.
À quoi devons-nous nous attendre pour cette nuit ?
On le voit sur les vidéos, le public de la Motown Party participe pleinement à la fête, et il y a des morceaux où tous les bras se lèvent, où tout le club chante en choeur. Danny Krivit rend hommage à son ami, il voudra nous faire ressentir un peu de ce qu’a pu être le Garage. Avec une boule disco pour la première fois au Djoon. j’espère que ce sera la folie… je croise les doigts. On verra.
Quel est pour toi le disque qui représente le plus l’esprit du Paradise Garage ? pourquoi ?
Sylvester « Over and Over » avec le crowd qui chante dans le disque, on a l’impression d’y être. C’est tellement bon quand ça le fait sur ce disque. En plus Sylvester est un symbole de la victoire de la musique sur les préjugés homophobes et racistes.
Tu es aux commandes de la Motown Party pour ta 11ème année, peux-tu nous faire un point sur la soirée ?
C’est un rêve depuis 11 ans, il s’est toujours passé quelque chose de spécial à cette soirée. Certains habitués sont là depuis le début, c’est un honneur dont je suis infiniment reconnaissant, d’autres nous ont rejoints, certains sont là de temps en temps, ils font tous découvrir la soirée autour d’eux. Des milliers de danseurs ont partagé cette vibe, c’est incroyable. Les gens viennent pour la musique et l’ambiance. La soirée est un sacré pied-de-nez aux clichés sur les clubs. La nouvelle génération est belle, elle veut tout découvrir et sait reconnaitre un classic. Il y a des jeunes, des papas, des mamies, des gens de toutes les couleurs, du monde entier, de toutes les religions, des gays, des hétéros, et quand toutes les mains se lèvent ou qu’il n’y a plus que les voix du Djoon qui chantent en choeur, c’est beau. On partage de belles choses quand on laisse ses préjugés au vestiaire, c’est une leçon qui pourrait bien nous sauver.
Comment entrevois-tu l’avenir ?
Je suis inquiet bien sur. Je vois beaucoup de haine et je me dis qu’il faut partager un maximum d’expériences positives ensemble pour garder l’espoir. À la Motown Party on se mélange et on se sourit, on chante ensemble, on apporte un peu d’optimisme à toute petite échelle, mais c’est déjà bien. La Motown et ses artistes ont contribué à faire tomber beaucoup de préjugés racistes dans le monde, ils ont été des ambassadeurs de la paix. La danse, la musique sont des langages universels qui nous rapprochent les uns des autres… Love is the Message!
Côté production, tu as sorti de nombreux releases, quels sont tes futurs projets ?
Il y a tellement de chefs d’oeuvres oubliées ou injouables en l’état et qui ne demandent qu’un petit réarrangement rythmique pour enflammer les dancefloors. C’est un terrain de jeu immense, mais je dois avouer que de travailler avec des musiciens et commencer de zéro un nouveau morceau comme avec Animal House me manque un peu (https://soundcloud.com/reverend-p/sets/animal-house-productions-alex). Je pense sortir pas mal des reworks que je produis pour la soirée, en bootleg, et j’espère un jour sous forme de compilation (https://soundcloud.com/reverend-p/sets/reverend-p-edits).
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